Document de politique générale

Charte mondiale pour la réforme de la prise en charge des enfants

Mis à jour 11 août 2025

Le contexte mondial

1. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant reconnaît que les enfants « doivent grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension ». Des familles solides et épanouissantes sont essentielles au développement sain d’un enfant. Partout dans le monde, les familles sont confrontées à des stress et des traumatismes qui s’intensifient rapidement en raison des changements climatiques et des catastrophes humanitaires, de la pauvreté, de l’insécurité alimentaire, des conflits, des maladies et de l’accès insuffisant à une éducation, à des services de santé et à des services sociaux inclusifs et de qualité. Ces difficultés peuvent entraîner la séparation des familles, la vulnérabilité à l’exploitation et un risque accru de violence et de maltraitance pour les enfants au sein de leur propre foyer et de leur communauté.

2. Les recherches et les témoignages de personnes ayant une expérience directe de la prise en charge alternative ont mis en lumière le fait que les enfants qui grandissent en dehors d’un environnement familial sont confrontés à de sérieuses difficultés, notamment des retards de développement physique, social et cognitif et un risque accru de violence et d’exploitation. Ces difficultés ont des répercussions tout au long de la vie et souvent d’une génération à l’autre.

3. Des millions d’enfants vivent encore dans des institutions [footnote 1]qui nuisent à leur développement. On estime que plus de 80 % des enfants vivant dans ces structures ont un parent vivant [footnote 2] , et la plupart ont une famille élargie qui pourrait s’occuper d’eux avec un peu d’aide. Bon nombre de ces institutions sont financées chaque année à hauteur de milliards de dollars provenant souvent de dons bien intentionnés, du tourisme et du volontariat.

4. La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées stipule que les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir aux enfants handicapés la pleine jouissance de tous les droits de la personne et de toutes les libertés fondamentales, au même titre que les autres enfants. Pourtant, les enfants handicapés sont souvent beaucoup plus susceptibles que les enfants non handicapés d’être séparés de leur famille, abandonnés et/ou placés en institution, de rester plus longtemps en prise en charge alternative et de passer d’une forme de prise en charge alternative à l’autre. Ils sont souvent victimes de ségrégation et de stigmatisation, et subissent discrimination, violence et négligence. La disponibilité limitée et le manque d’accès à des services et à un soutien communautaire, inclusifs et ciblés, y compris à une éducation inclusive, sont les principaux facteurs qui conduisent au placement des enfants handicapés dans des institutions.

5. Grâce à une action concertée, à des investissements accrus et à un partenariat mondial, cette crise peut être résolue. Si de nombreux exemples de progrès encourageants peuvent être observés dans toutes les régions du monde, il reste encore beaucoup à faire pour : aider les familles à prendre en charge leurs enfants de manière protectrice, inclusive et épanouissante et prévenir les séparations inutiles ; donner la priorité aux solutions de prise en charge dans un cadre familial lorsque la prise en charge alternative est jugé nécessaire ; et mettre progressivement fin au placement des enfants en institution. Les réponses et les efforts de rétablissement liés aux catastrophes naturelles ou aux urgences humanitaires devraient également prévenir la séparation des familles en encourageant activement la recherche et la réintégration familiale, et donner la priorité aux solutions de prise en charge dans un cadre familial lorsque la prise en charge alternative est nécessaire.

Objectifs

6. La présente Charte s’appuie sur les engagements internationaux existants, notamment les Lignes directrices de l’ONU relatives à la protection de remplacement pour les enfants de 2009, la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies sur les droits de l’enfant ciblant les enfants privés de prise en charge parentale, de 2019, et les Lignes directrices du Comité des Nations unies des droits des personnes handicapées sur la désinstitutionnalisation, de 2022, ainsi que la Déclaration de Kigali des États du Commonwealth de 2022 et l’Appel à l’action de la première Conférence ministérielle mondiale sur l’élimination de la violence contre les enfants, de 2024.

7. Elle promeut une approche de partenariat multisectoriel en réunissant les enfants, les jeunes adultes et les familles, en particulier ceux qui ont une expérience directe de la prise en charge alternative, les organisations de personnes handicapées, les dirigeants communautaires et religieux, les organisations de la société civile, les donateurs, les gouvernements nationaux et les agences multilatérales et mondiales, afin de s’engager à prendre des mesures urgentes, décisives et coordonnées pour garantir à chaque enfant un foyer familial protecteur, épanouissant et aimant.

8. Cette Charte vise à renforcer les systèmes de protection et de bien-être des enfants afin de rendre ces systèmes plus résilients et inclusifs, et à garantir le droit de chaque enfant à une prise en charge familiale protectrice et épanouissante en : (i) renforçant les structures familles et prévenant la séparation familiale, y compris par le soutien à la famille élargie de l’enfant (ii) donnant la priorité, lorsque la prise en charge alternative est nécessaire, a une prise en charge dans un cadre familial, en explorant d’abord toutes les possibilités de prise en charge par la famille élargie et en encourageant le placement en famille d’accueil et la kafaalah (iii) en proposant des services de suivi pour les jeunes qui quittent une prise en charge alternative, y compris desmodes de vie indépendante, avec supervision (iv) en facilitant la réintégration des enfants séparés dans un cadre familial protecteur (v) en assurant une adoption protectrice et éthique, conformément au droit national et international [footnote 3], et (vi) en mettant progressivement fin au placement des enfants en institution.

Engagement Ă  agir

9. Les signataires de la présente Charte réaffirment leur engagement envers la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, ainsi qu’envers les chartes régionales portant sur les droits, telles que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

10. Nous nous engageons à apprendre des enfants et des adultes ayant une expérience de la prise en charge alternative, ainsi que de leurs familles. Nous reconnaissons que nous sommes responsables envers les enfants, les jeunes adultes et leurs familles qui ont besoin de notre soutien. Nous investirons pour leur garantir une participation accessible, significative et en toute sécurité à l’élaboration des politiques et à la prise de décision, en veillant à ce que leurs opinions soient entendues et qu’ils soient considérés comme des partenaires à part entière. Nous veillerons en particulier à la participation des groupes sous-représentés, notamment les personnes handicapées et les autres groupes marginalisés.

11. Nous réaffirmons notre engagement à mettre en oeuvre les normes mondiales existantes, notamment par les moyens suivants:

a. Soutenir les familles afin de prévenir les séparations inutiles, garantir des modes de prise en charge alternatifs dans un cadre familial protecteur et épanouissant, et mettre progressivement fin à l’institutionnalisation de tous les enfants. Nous investirons dans des programmes de renforcement des familles afin de s’attaquer aux causes profondes de la séparation familiale et apporterons un appui aux services inclusifs, accessibles et de qualité qui répondent aux besoins divers des enfants et de leurs familles. Nous rechercherons et réunirons les enfants avec leur famille lorsque cela sera possible et protecteur. Lorsque la séparation est inévitable et que la prise en charge par la famille élargie n’est pas une option viable, nous améliorerons les systèmes de prise en charge afin d’offrir différents types de prise en charge alternative dans un cadre familial et de soutenir des modes de vie indépendante dans la communauté pour les enfants plus âgés et les jeunes adultes, y compris ceux qui sont handicapés. Nous veillerons à ce que les décisions relatives à la prise en charge des enfants soient prises au cas par cas, dans l’intérêt supérieur de chaque enfant, et nous veillerons à ce que les placements soient régulièrement suivis et réexaminés. En nous appuyant sur les données probantes relatives aux mesures efficaces pour réformer les systèmes de prise en charge des enfants et une désinstitutionalisation durable, nous nous éloignerons du placement des enfants en institution et assurerons des politiques, programmes et services multisectoriels qui aident les enfants à grandir dans une famille dédiée à leur bien-être.

b. Dénoncer et lutter contre les pratiques néfastes et inacceptables. Nous prendrons des mesures concertées pour éliminer le volontariat et le tourisme dans les orphelinats. Nous surveillerons et supprimerons progressivement les sources de financement qui encouragent l’institutionnalisation, contribuent à la séparation familiale inutile et compromettent les efforts visant à donner la priorité à la prise en charge familiale. Nous prendrons des mesures pour renforcer les ressources consacrées à la prise en charge dans un cadre familial. Nous lutterons contre et sanctionnerons la violence et les abus, y compris la traite des êtres humains, le travail forcé et la négligence envers les enfants. Nous reconnaissons comme inacceptable la discrimination à l’égard des enfants et des familles et nous nous engageons à lutter contre les normes sociales néfastes.

c. Augmenter les investissements et les ressources financières pour soutenir une famille pour chaque enfant et une vie indépendante pour les jeunes sortant de la prise en charge alternative. Nous donnerons la priorité aux investissements dans les programmes et services d’aide aux familles qui contribuent à maintenir les familles unies et qui favorisent une prise en charge familiale protectrice et épanouissante, en reconnaissant qu’il s’agit d’un investissement rentable pour les enfants, les communautés et les sociétés. Nous encouragerons le financement de la prise en charge dans un cadre familial et les investissements qui favorisent une transition sûre vers un éloignement de l’utilisation des institutions, y compris des investissements dans les services communautaires destinés aux familles d’enfants handicapés. Reconnaissant les défis particuliers auxquels sont confrontés les jeunes sortant de la prise en charge alternative, nous soutiendrons les enfants plus âgés et les jeunes adultes qui quittent la prise en charge alternative afin de les aider à faire la transition vers une vie indépendante. Nous plaiderons en faveur d’un financement mondial accru, y compris par des moyens innovants, pour renforcer et réformer les systèmes de protection et de défense des droits de l’enfant, la désinstitutionalisation et la prise en charge alternative dans un cadre familial, notamment par l’intermédiaire de la société civile locale.

d. S’attaquer aux problèmes systémiques et spécifiques qui contribuent à la séparation des familles et au placement des enfants handicapés dans des institutions. Nous investirons dans la lutte contre les causes profondes de la séparation des familles et du placement disproportionné des enfants handicapés dans des institutions, telles que la violence, la stigmatisation et la discrimination, l’inaccessibilité et la disponibilité limitée des services essentiels, ainsi que le soutien insuffisant aux enfants handicapés, aux enfants souffrant de problèmes de santé chroniques ou de retards de développement. Nous nous efforcerons de créer des communautés inclusives qui éliminent les barrières et réduisent la stigmatisation, qui autonomisent et soutiennent les familles pour qu’elles puissent s’occuper de leurs enfants et accéder à des services intégrés et inclusifs dans leur communauté, et qui contribuent à mettre fin à l’institutionnalisation des enfants handicapés. Nous donnerons la priorité à un soutien post-prise en charge inclusif et complet pour tous les jeunes sortant de la prise en charge alternative, y compris ceux qui sont handicapés, afin de leur permettre de réussir leur transition vers l’âge adulte avec un soutien selon leurs besoins.

e. Investir dans les facteurs clés permettant d’améliorer les services sociaux destinés aux enfants et aux familles, notamment en mettant en place un personnel des services sociaux spécialisé et en collectant des données et des informations factuelles afin de garantir qu’aucun enfant ne soit laissé de côté. Nous veillerons à ce que les personnes chargées de fournir des services sociaux et de soutenir les enfants et leurs familles disposent de ressources suffisantes et proportionnées, ainsi que des compétences essentielles pour promouvoir la prise en charge dans un cadre familial, prévenir les séparations inutiles et proposer des solutions adaptées de prise en charge alternative dans un cadre familial quand celle-ci est nécessaires. Nous améliorerons les systèmes standardisés de collecte et de rapport des données afin de garantir que tous les enfants soient recensés de la même manière à l’échelle mondiale. Nous donnerons la priorité à la collecte et au rapport de données nationales sur les enfants en pris en charge alternative, en veillant à la désagrégation des données afin que les groupes marginalisés ne soient pas laissés de côté. Nous mettrons tout en oeuvre pour collecter des données de base dans un délai d’un an à compter de la signature de la présente Charte et pour mesurer les progrès accomplis au fil du temps, notamment en publiant des données actualisées sur les enfants en pris en charge alternative d’ici 2030. Nous partagerons les connaissances, les enseignements et les ressources liés à la réforme de la prise en charge et aux engagements pris dans la présente Charte.

12. En adhérant à cette Charte, nous nous engageons à oeuvrer ensemble pour que les enfants soient pris en charge dans des cadres familiaux protecteurs, épanouissants et aimants, et à prévenir et combattre les effets néfastes de l’institutionnalisation sur la santé physique et mentale, le développement et le bien-être des enfants. Nos actions sont guidées par l’intérêt supérieur de l’enfant, en plaçant ses droits au coeur de toutes les réformes et en veillant à ce que sa protection soit garantie dans toutes les décisions, actions ou procédures.

13. La mise en oeuvre des engagements pris dans la présente Charte sera guidée par les principes clés du partenariat, de l’apprentissage, de la transparence des données, de la responsabilité mutuelle et de la participation inclusive. Elle s’appuiera sur les engagements pris au niveau national pour agir sur les priorités clés.

  1. Les « centres résidentiels » est défini dans les Lignes directrices de l’ONU relatives à la protection de remplacement pour les enfants de 2009 comme « protection assurée dans un cadre non familial, par exemple dans des refuges pour placement d’urgence, des centres de transit dans les situations d’urgence et tous les autres établissements d’accueil à court ou à long terme, y compris les foyers d’hébergement ». Dans la présente Charte, le terme « institutions » désigne les établissements de prise en charge résidentielle gérés par des organismes publics ou privés, où les enfants sont pris en charge par du personnel travaillant généralement par roulement selon des horaires rigides, ont un choix limité en matière de soins et d’activités et sont isolés de la communauté au sens large. Conformément aux Lignes directrices de l’ONU relatives à la protection de remplacement pour les enfants et à la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies de 2019 sur les enfants privés de protection parentale, les États devraient privilégier les solutions de protection de remplacement en famille plutôt que le placement en institution, lorsque des mesures de protection de remplacement sont jugées nécessaires. Les Lignes directrices de l’ONU relatives à la protection de remplacement pour les enfants ne s’appliquent pas aux « personnes âgées de moins de 18 ans qui sont privées de liberté par décision d’une autorité judiciaire ou administrative parce qu’elles sont soupçonnées, accusées ou convaincues d’infraction à la loi ». ↩

  2. Van IJzendoorn, Marinus H et al. 2020. Institutionalisation and deinstitutionalisation of children 1: a systematic and integrative review of evidence regarding effects on development. The Lancet Psychiatry, Volume 7, Issue 8, 703 to 720; et Global Facts About Orphanages, 2009, Better Care Network Secretariat. ↩

  3. Pour l’adoption internationale, se reporter à la Convention de La Haye sur l’adoption internationale, 1993. ↩